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  • La femme, l'amour et la fécodnité

     

     

    NATALITE, FECONDITE ET RENOUVELLEMENT DE LA POPULATION.
        Dans cet été finissant qui ne nous a pas apporté que de bonnes nouvelles, c’est le moins qu’on puisse dire, voici une annonce qui montre que parfois aussi on peut renouer avec les forces de la vie et de l’amour : les femmes françaises détiennent la palme avec en moyenne deux enfants ; c’est une très bonne nouvelle.
        Il ne faut pas confondre la natalité et la fécondité, le second élément est nettement plus intéressant que le premier puisqu’il signale la possibilité, la potentialité tandis que l’autre marque le nombre d’enfants effectifs que chaque femme met au monde.
        Il semble que la France, comme on vient de le dire, se distingue et fasse mieux que l’Allemagne, la Pologne et les pays du nord de l’Europe. A cela plusieurs explications : d’abord, les femmes se rendent compte que la chose la plus valorisante, après l’indépendance économique et l’épanouissement professionnel, c’est l’accomplissement de la maternité.
        Il y a la possibilité, permise par la médecine, d’avoir des enfants plus tard ; il n’est pas rare que des femmes aient des enfants entre 35 et 40 ans, ce qui était moins fréquent avant. Enfin, il y a une évolution nette en faveur d’un cadre moins contraignant que le mariage, les femmes se choisissant un compagnon comme père de leurs enfants, sans être passé devant Monsieur le Maire…
        L’attachement d’une mère est quelque d’irremplaçable, d’incomparable. Même quand on a perdu ses parents, ce qui est l’évolution normale de toute existence humaine, on se souvient, certes, de ses deux parents, mais la mère occupe dans notre cœur une place à part.
        Pour finir, l’hommage du philosophe allemand Friedrich Nietzsche qui, bien que ne s’étant jamais marié et ayant une relation ambiguë avec les femmes, s’était écrié : O ! Etres humains, vénérez la maternité, l’homme n’est jamais qu’un hasard.
        A méditer.
     

  • La Légion étrangère

     

    GEORGES BLOND, HISTOIRE DE LA LEGION ETRANGERE. PREFACE DE ETIENNE DE MONTETY (1964, 1981, 2008 PERRIN, COLLECTION TEMPUS.
        Si vous aimez l’histoire militaire, sans le moindre a priori, si vous voulez savoir ce qu’est une troupe d’élite, à la fois combattante mais aussi constructive avec de vrais bâtisseurs, alors lisez ce beau livre de Georges Blond. J’ai beaucoup appris en le lisant, l’auteur décrit des combats et des batailles, comme si vous y étiez. L’évocation de la base de légion à Sidi Bel Abbès est frappante, plus encore que leur départ après l’indépendance en 1962…
        En treize chapitres enlevés au pas de charge, l’auteur vous fait faire un véritable tour du monde, depuis les origines à la seconde moitié du XXe siècle. Cet homme a du style et il aime légion. Il entreprend de détruire les préjugés qui en déparent l’image et montrent que très souvent le mythe s’est substitué à la réalité.
        J’ai bien apprécié le chapitre où la légion se bat en Chine contre les Pavillons noirs. On y voit l’épopée de la légion se battit avec l’énergie du désespoir à Son Tay, devenu Sontay à Paris, sans que personne ou presque ne sache qu’il s’agissait d’un haut lieu de la légion.
        Ceux qui peuvent suivre le défilé du 14 juillet à la télévision française ont dû remarquer qu’avec les pompiers de Paris, la Légion était le corps de troupe le plus applaudi.
        Un livre non seulement divertissant mais même amusant et instructif…
     

  • LA FIN DE L’HISTOIRE…

     

    LA FIN DE L’HISTOIRE…

                Aux soldats français tombés en Afghanistan, in memoriam

        En fait, c’est le hasard qui détermine par ses incroyables combinaisons l’ordre, la simultanéité ou la successivité de nos actions et donc des événements. C’est là aussi l’un des mystères de l’Histoire, ce gigantesque réel en devenir, comme aidait à le dire le philosophe allemand Hegel qui tint la chaire de philosophie à l’Université de Berlin jusqu’à sa mort en 1832, si je ne me trompe.
        On se rend bien compte que plus le temps passe, plus les siècles s’écoulent et plus les familles humaines se rejoignent, militairement ou pacifiquement, pour n’en former plus qu’une.  Existe-il une main invisible qui tire les ficelles dans les coulisses ? L’avenir est-il déjà écrit quelque part, sans que nous n’en sachions rien ? Les croyants l’admettent qui pensent que la divine Providence confie à d’humaines mains le soin de nous mener à un port prévu d’avance. Les Grecs qui ne croyaient pas une telle chose, en bons polythéistes qu’ils étaient, ont pourtant fourni le terme technique pour désigner cette doctrine, la téléologie, de telos en grec qui signifie le but, l’objectif, le dessein éloigné… Ce furent eux, encore, qui nous livrèrent les balbutiements de l’historiographie, c’est-)-dire lécriture de l’Histoie, avec des hommes tels que Hérodote et Thucydide.
        Les jeunes soldats tombés pour la cause de la liberté et de la démocratie savaient qu’ils exerçaient un métier dangereux, celui des armes, et qu’un jour, ils pouvaient consentir au sacrifice suprême. Mais en Afghanistan !! Si loin de chez eux, dans des territoires auxquels la France s’est peu intéressée dans son histoire…
        Histoire, ce terme revient comme un leitmotiv … Il y a déjà plusieurs jours, je voulais livrer quelques réflexions sur cette passionnante question lorsque je remarquai ans les colonnes du journal Le Monde sous le titre évocateur de «rétrolecture 1992», une analyse éclairante de mon ami Daniel Vernet. Il y comparait le retentissement de deux ouvrages diversement appréciés en leur temps et aussi assez imparfaitement compris.
        Comme je vous l’annonçais hier, il s’agit de Francis Fukujama, La fin de l’Histoire et le dernier homme   et Samuel Huntington, Le choc des civilisations.
    Ces deux livres furent écrits par deux collègues américains qui y exposèrent le fruit  de tant  d’années de recherches, de réflexions et de séminaires post-graduates avec leurs doctorants, c’est dire que la vulgate qui nous fut livrée par les lecteurs rapides ou journalistiques ne suffit guère. Essayons de revoir la chose d’un tout petit peu plus près.
        Fukuyama qui a lu et médité les œuvres de Hegel, auteur de la Philosophie de l’Histoire, part d’une phrase, d’une boutade de celui-ci pour amorcer sa riche réflexion. Je rappelle que c’est Victor Cousin qui introduisit en Sorbonne les leçons de philosophie de l’histoire après avoir rendu visite à Hegel en 1816, je crois, à Iéna, avant même que celui-ci ne soit appelé à Berlin.
        La boutade de Hegel, en 1806, alors qu’il aperçut Napoléon Bonaparte passer à cheval sous ses fenêtres, fut, en substance : voici l’Idée à cheval . Je mets intentionnellement une majuscule au I de Idée. C’est-à-dire voici passer devant nous le principe fécondant, l’agent séminal qui fait en quelque sorte accoucher l’Histoire de ce dont elle est en gésine… En fait, Hegel qui était un esprit puissant et qui, au début de sa carrière voulait être théologien et écrire une biographie de Jésus, avait coutume de s’exprimer ainsi. C’est pour cela qu’il prétendit un peu vite qu’il avait fait le tour des concepts, qu’après lui on ne pourrait plus philosopher mais que l’on serait contraint de se répéter et de rabâcher… Nous savons bien qu’il n’en fut rien et que le giron matriciel de la philosophie, mais aussi celui de l’Histoire, nous réserve encore quelques surprises.
        Si Fukuyama reprend le propos débonnaire de Hegel, ébloui par la puissance napoléonienne, c’est parce qu’il rédige son livre après la chute du mur de Berlin, donc après la chute retentissante du communisme. Jetant un regard rétrospectif sur ce XXe siècle finissant (on est au début des années quatre-vingt-dix), il relève que les démocraties libérales sont venues à bout du fascisme hitlérien, et, pour finir, du fascisme communiste, responsable du goulag. Il ne reste donc plus que la démocratie, les idéaux républicains, qui se retrouvent soudain sans ennemis ou presque… Car n’oublions pas que Hegel concevait la marche de l’Histoire comme un processus qui avance par contradictions surmontées. Ainsi fascisme et démocratie s’étaient fait face et la victoire de l’in sur l’autre avait fait avancer l’histoire. De la même manière, communisme et libéralisme s’étaient opposés et c’est le dernier qui eut le dessus. Jusqu’ici l’Histoire avançait selon le schéma hégélien, mais quid de l’histoire s’il n’y a plus de contradictions, plus de carburant… Ceci me rappelle la phrase désabusée d’un diplomate russe de l’ONU lançant à son collègue américain la phrase suivante, après la déliquescence de l’empire communiste : nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi. Sans atteindre à la profondeur hégélienne,  le mot d’esprit va dans le même sens…
        Donc les Etats Unis d’Amérique, quintessence de la puissance occidentale et incarnation parfaite du libéralisme et des valeurs démocratiques, se trouvaient, en quelque sorte, en chômage technique… C’est le sens de la formule, fin de l’histoire… Cela ne signifie pas la fin du monde, cela veut dire que le moteur de l’histoire n’a plus de carburant, comme il en avait auparavant. Je suis contraint ici  d’atténuer le propos de Hegel même si, philosophe germaniste que je suis, j’ai toujours admiré la culture allemande et la pensée de Hegel qui en est –avec Kant- la forme la plus achevée. Ce penseur était fasciné par l’Etat et notamment l’Etat prussien qui incarnait à ses yeux le paradis sur terre… Je ne peux pas m’attarder sur l’arrière-plan historique expliquant une telle attitude, l’éparpillement de l’Allemagne (Kleinstaaterei) en une multitude de petits états qui se faisaient la guerre, explique cette attitude. Il y avait peut-être aussi une certaine fascination de la violence ; le philosophe écrivait, en substance, que les années de bonheur de l’humanité sont les pages blanches de l’Histoire… Donc, c’est la guerre qui fait avancer les choses, hélas, selon l’auteur allemand.
        Samuel Huntington, professeur connu à l’Université de Harvard se penche lui aussi sur le monde nouveau qui émerge à la suite du naufrage du communisme. Et à ses yeux, la suite des événements lui a même donné raison, ce ne sont plus les idéologies ou les systèmes économiques opposés qui vont dresser les nations les unes contre les autres et donc faire avancer l’Histoire, mais des différences civilisationnelles, culturelles et religieuses. Autant dire, pour revenir à Hegel, la Weltanschauung, la conception du monde, l’approche de la vie et de la mort, en un mot les valeurs. Nous parlons de la politique au niveau mondial, planétaire, c’est-à-dire de conflits globaux et non de quelques escarmouches entre états qui se disputent une portion de territoire. C’est-à-die d’une opposition de deux blocs, comme du temps de la guerre froide où deux systèmes opposés divisaient le monde.
        Et c’est évidemment à l’islamisme, au radicalisme musulman que pensait Huntington, ce qui conduisit certains lecteurs à caricaturer sa pensée et lui prêter de noires arrière pensées qu’il n’avait pas toujours. On n’était pas loin de penser, au soir du 11 septembre 2001, que ce qui venait de se passer correspondait à l’analyse prophétique du professeur de Harvard. Il suffit d’ouvrir les journaux, d’écouter la radio ou de regarder la télévision pour se rendre compte que le terrorisme qui ensanglante le monde – y compris les pays arabes dont l’Algérie- n’est ni finlandais ni vénézuélien. C’est une certaine forme d’islam qui conteste la direction prise par le monde dans le cadre de la globalisation. Que faire ? Là, on quitte le domaine de l’analyse conceptuelle pour entrer dans le domaine de l’agir… Chacun se fera son opinion.
        Ces idées de fin de l’Histoire, voire même de fin du monde, proviennent de l’humus judéo-chrétien de notre civilisation. Le premier à l’avoir évoquée fut un prophète hébraïque du milieu du VIIIe siècle, Isaïe, dans son chapitre VI. Il parlait de «la fin des jours», c’est-à-dire du moment où l’humanité, en paix avec elle-même, aura réalisé on objectif et instauré la paix universelle, si chère à Kant.
        En somme, au moment où le temps, vidé de sa substance, c’est des ferments de la discorde et de la violence, se fige en éternité. Cette éternité que les jeunes soldats français ont abordée au prix de leur vie: gloire à leur mémoire. Le Président a eu raison de dire qu’ils sont morts pour la liberté. Notre liberté.

                            Maurice-Ruben HAYOUN
                            Professeur à l’Uni. de Genève
        Paru ce jour dans La Tribune de Genève (mrhayoun.blog.tdg.ch/)