SALADIN, GERALD MESSADIE, PARIS, L’ARCHIPEL, 2008.
Gérald Messadié est un homme de lettres, connu et reconnu tant en France qu’à l’étranger. Né en Egypte en 1941 il sait admirablement bien l’arabe et a connu cette époque bénie où dans son Egypte natale les cloches des églises et les appels à al prière des muezzins alternaient dans la plus grande harmonie. L’auteur nous dit que sa grand mère et ses voisins musulmans échangeaient des friandises et con-célèbraient, en quelque sorte, les fêtes des différentes confessions. Cette époque bénie est hélas bien révolue et ne ressuscitera plus.
Dans ce Saladin, puisé aux meilleures sources, l’auteur démystifie un homme devenu le symbole de l’intégrisme musulman d’aujourd’hui puisque certains vont jusqu’à entendre son nom de manière différente : là où il faut entendre le restaurateur ou le réformateur de la foi, de la croyance religieuse, certains ont voulu lie selah al-Din, c’est-à-dire les armes de la foi, un peu comme l’équivalent latin du Pugio fidei (poignard de la foi) au Moyen Age.
M. Messadié s’emploie à montrer que Saladin ne fut le grand homme qu’on dit bine volontiers qu’il a été. Je ne reviens pas sur tous les détails mais sur plus de dix sièges il n’en mena que deux victorieusement à leur terme tandis que son seul haut fait d’armes fut de s’emparer de Jérusalem.
L’auteur parle aussi abondamment de la cruauté de l’homme qui n’hésitait pas à égorger de ses mains ses adversaires ou qui faisait massacrer, les mains liées derrière le dos, les prisonniers des citadelles vaincues…
Ce qui retient l’attention dans ce livre c’est que son auteur a retrouvé, de première ou de seconde main, dans des sources arabes de l’époque, des appréciations très peu élogieuses sur Saladin. Nous ne reprendrons pas ici ses origines kurdes, son apprentissage un peu laborieux de la langue arabe, son milieu familial de médiocre qualité ; ce qui se dégage avec netteté, c’est que l’homme a parfois bénéficié d’heureux concours de circonstances qui le propulsèrent sur les devants de la scène. Le bilan n’en demeure pas moins désastreux puisque, à bien comprendre l’auteur, il laissa derrière lui un pays ruiné…
Alors comment s’explique cette notoriété qui tient plus de la poésie que de la vérité historique ? Probablement par la volonté de certains milieux de se chercher un preux qui combattit selon eux pour renforcer et asseoir les assises politiques et guerrières de leur religion. Mais là encore, les chroniqueurs arabes des XII-XIIIe siècles rapprochent à l’émir d’avoir plus fait la guerre aux musulmans qu’aux chrétiens…
Mais comme le disait Ernest Renan, la légende a plus de persistance dans l’être que l’histoire…