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Vu de la place Victor-Hugo - Page 937

  • LA BEATIFCATION DE JEAN-PAUL II, UN EVENEMENT AUTHENTIQUE

    LA BEATIFCATION DE JEAN-PAUL II, UN EVENEMENT AUTHENTIQUE

    Les hasards du calendrier en sont les seuls responsables : à moins de deux jours d’intervalle, après ce non événement que fut ce mariage princier suivi par des milliards de téléspectateurs, combien de gens vont suivre cette béatification de l’ancien pape? Cela devrait jeter une lumière crue sur notre culture et notre civilisation, qui en sont réduites à ressentir des choses et à éprouver des sentiments par procuration.
    Rendez vous compte : un homme qui a consacré sa vie à D- et à l’amour d’autrui, un homme auquel l’Europe unie doit tant et qui a puissamment contribué à la chute de l’URSS, partant, à la libération de dizaines de millions d’individus ! Je doute fort que la béatification de ce saint homme (et vous savez que j’ai une autre religion que la sienne) soit suivi par autant de gens que ce mariage dont on nous a rebattu les oreilles durant tant de jours.
    J’ai eu l’occasion de rencontrer Jean-Paul II au Vatican fin janvier 2000, lors des offices religieux à la mémoire d’Abraham, grâce à l’entremise de deux cardinaux français amis, son éminence le cardinal Etchégarray et son éminence le cardinal Poupard. Le pape était impressionnant : tenant à rester debout, appuyé surf sa canne, pendant toute la durée de l’entretien, j’ai senti ce que la volonté d’un homme était capable de faire : dominer la douleur, l’$age et la fatigue… Invité à la messe dans sa chapelle privée, j’ai pu, en simple observateur, mesurer la profondeur de sa foi. Et je le répète, ce n’est pas un coreligionnaire, mais cela ne m’empêche guère de rendre hommage à un homme qui a un si grand mérite.
    Evidemment, il n’est pas question de se présenter comme un esprit chagrin ni de comparer un événement festif comme un mariage à une cérémonie religieuse du type de la béatification…
    Mais tout de même ! Notre époque est allée trop loin dans la frivolité. Ernest Renan écrivait justement qu’il ne faut pas confondre le profane et le frivole. Je comprends bien que les gens préfèrent la joie, la gaieté et la fête, je tiens aussi compte du fait que ce mariage a connu un épisode religieux à l’abbaye de Westminster, mais cela ne suffit pas.
    Le jugement le plus implacable sera rendu sur notre époque lorsqu’on comparera le nombre de gens intéressés par ce non événement que fut ce mariage à celui de ceux qui suivront ce juste hommage rendu à un saint homme.
    Il y a valeurs et valeurs…

  • THE MARIAGE

    THE MARIAGE
    Nous sommes quelques uns à revendiquer fièrement ne pas faire partie des deux milliards d’hommes et de femmes à avoir suivi un mariage que l’on dit princier. Combien d’hommes et de femmes ont cru pouvoir oublier leurs problèmes quotidiens en scrutant les faits et gestes des jeunes mariés auxquels nous souhaitons bien du bonheur. Mais ne nous leurrons pas, souvenons nous des remarques acerbes du frère et du père de la princesse Diana qui dénonçaient l’inhumanité de la famille britannique régnante.
    En Grand Bretagne, le gouvernement a sévèrement limités les dépenses sociales et les ressources des chômeurs. Et l’on voit ce que coûte ce mariage . Je pense que l’on pêche par démesure.

  • Le débat entre Ramadan et Meddeb : le Monde du 23 avril

    Le débat entre Ramadan et Meddeb : le Monde du 23 avril

    L’islam des Lumières

    Le journal Le Monde en date du 23 avril a publié une intéressante confrontation entre notre ancien collègue de l’Université de Genève Abd el Waheb Meddeb, d’une part, et le théologien islamique genevois, Tarek Ramadan. Il s’agissait de faire parler des deux voies opposées de l’islam sur des sujets d’actualité. Et notamment sur le printemps arabe, les rapports à la démocratie, au fondamentalisme, au statut de la femme, à l’humanisme, en gros aux rapports avec tout ce qui est non musulman.

    Celui qui se rapproche le plus de nos conceptions et défend une sorte d’islam des Lumières, recherchant plus les convergences que les divergences, plaidant pour un humanisme islamique comparable en tout point à l’humanisme gréco-latin, est sans conteste M. Meddeb. Son vis à vis défend, lui, une position plus proche de ce qu’il considère être la ligne de l’orthodoxie musulmane, même s’il se garde bien d’utiliser une terminologie aussi univoque.

    Il me semble que la ligne de fracture entre les deux hommes se situe autour de la présence ou de la non présence du religieux dans l’existence, et dans le cas le plus récent, dans les révoltes qui secouent en profondeur le monde arabo-musulman. Pour M. Meddeb, l’absence de toute référence à l’orthodoxie ou à l’islamisme est un marqueur remarquable qui signe une évolution cruciale et bienvenue de la mentalité arabo-musulmane : on voit des masses arabes, non manipulées par des meneurs religieux ou politiquement orientés, revendiquer bruyamment les mêmes droits que ceux en vigueur dans nos pays de tradition chrétienne ou judéo-chrétienne. Il s’agit de montrer que l’identité musulmane ou islamique ne peut pas être intrinsèquement et exclusivement religieuse. En français, cela porte un nom : la laïcité.

    Les deux hommes ont aussi parlé du statut de la femme, des homosexuels, des minorités religieuses et du Proche Orient. Il était d’ailleurs remarquable de relever que les manifestations, au tout début du moins, n’ont jamais connu le moindre slogan anti-israélien, comme si les masses arabes comprenaient enfin que ce chiffon rouge, agité sous leurs yeux des décennies durant, avait été un puissant dérivatif les éloignant de leurs préoccupations politiques quotidiennes. Un peu comme si un citoyen arabe voulait se plaindre de l’absence de liberté et de droits et qu’on lui disait : Calmez vous Ne comprenez vous pas que notre seul et unique problème, c’est Israël… En somme, si l’Etat juif n’avait pas existé il eût fallu l’inventer tant il offrait un principe explicatif des plus commodes.

    Béni soit l’Eternel qui a bien voulu doter ses créatures d’un peu de son intelligence (barouch shé halaq mé-hokhmata le-basar wa dam).